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Afghanistan : Le retour des Talibans au pouvoir

août 19, 2021

Comme toujours et partout, les pouvoirs font la guerre, sèment mort et désolation dans les populations. Maudite soit la guerre.


Ce Dimanche 15 août 2021, presque 20 ans jour pour jour après leur éviction du pouvoir par l’Otan, les talibans reprennent le pouvoir en Afghanistan. Le pays n’a pourtant aucune frontière commune avec un pays de l’Otan…

Malgré de nombreuses vagues de colonisation, de Gengis Khan en passant par Alexandre le grand et Nâdir Shâh (le « napoléon Iranien ») jusqu’aux américains, le peuple afghan n’aura jamais plié le genou, ne fut jamais vraiment vaincu. Le code d’honneur tribal des pachtounes, le pachtounwali, continue à y être appliqué sur une large partie du territoire, entraînant une sorte de mille-feuilles tribal emprunt de religiosité.

L’Afghanistan voit en effet cohabiter une majorité pachtoune et une multitude de minorités. Ces dernières, bien qu’elles soient le plus souvent intégrées au système social afghan, voient la plupart des postes de pouvoir occupés par les différents clans pachtounes. Roi, Émir ou Président, la personnalité incarnant le pouvoir est pachtoune afin de concilier tradition et religion et pour garder le pays en paix.

Si la domination perse prend fin en 1747, l’Afghanistan ne connaît qu’une brève période d’indépendance : l’expansion coloniale des empires russes et anglais fait qu’en 1809 Shuja Shah Durrani, le padischah d’Afghanistan, décide de s’allier à l’Empire britannique. Le pays va alors connaître une instabilité chronique. Occupations russes ou britanniques, guerres civiles, le pays ne se stabilisera qu’en 1996 avec la prise de pouvoir des Talibans, une « stabilisation par la terreur ».

En effet, les moudjahidines de l’Alliance de Nord du commandant Massoud parviennent à chasser l’envahisseur soviétique en 1992, avec l’appui des seigneurs de guerre d’Oussama Ben Laden (allié à Al-Qaïda). L’Alliance du Nord proclame l’État Islamique d’Afghanistan, mais en 1994 est créé un groupe actif nommé « Talibans » qui vont soutenir une application radicale de la loi islamique. Taliban signifie littéralement « étudiants » en arabe. Comme leur nom le suggère, les talibans sont les étudiants des madrasas : des « écoles » sunnites au sein des camps de réfugiés afghans du Pakistan.

Lasses des guerre tribales, les populations voient d’abord d’un bon œil l’arrivée des talibans qui amènent « ordre et justice ». C’est ainsi qu’en 1996 les talibans proclament l’Émirat Islamique d’Afghanistan après une conquête éclair du pouvoir, reléguant le commandant Massoud dans la vallée du Pandjchir avec l’Alliance du Nord.

Reconnu par seulement trois pays (l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et leur allié du Pakistan), l’Afghanistan est au centre des convoitises internationales. Appliquant une sharia rigoriste, le droit islamique du Moyen-Âge, la gouvernance des talibans fut, dès 1996, sans aucune pitié avec ses ennemis. Lapidations, mains coupées, pendaisons et système de délation puritain, la population vivait littéralement dans la terreur d’être dénoncée sur un simple soupçon. Les femmes et les personnes LGBTQIA+ paient le plus lourd tribut de ce régime de domination patriarcale extrême, mais plus globalement c’est tout ce qui pourrait représenter un souffle de liberté qui est férocement réprimé par le régime pendant cinq longues années.

En 2001, suite aux attaques du World Trade Center par Al-Qaïda, les États-Unis font semblant de découvrir l’atrocité idéologique que représentent les talibans, alors même que ceux-ci ont pu s’imposer grâce au soutien américain contre l’Union Soviétique.

Alors que tous les services secrets du monde affirment que Ben Laden, chef d’Al-Qaïda, est au Pakistan, les USA décident d’envahir l’Afghanistan « pour lutter contre le terrorisme et leurs soutiens talibans »…

Cette invasion va durer 20 ans et coûter plus de 2261 milliards de dollars, dont une bonne partie tombe dans les poches des forces de sécurité des gouvernements successifs. Le bilan humain est dramatique avec des dizaines de milliers de morts, qui n’auront servi à rien : les taliban ont repris le pouvoir ce dimanche 15 août 2021 après une semaine de « combat ».

Alors que des exactions sont déjà signalées (tirs sur des manifestations, arrestations d’opposants et surtout d’opposantes…) la population est en proie au désespoir, cherchant à fuir le pays à tout prix, quitte à perdre la vie en s’accrochant aux ailes des avions américains.

Malgré tout, business is business, les loup occidentaux sont déjà dans les starting blocks pour aider la population, mais pas trop. Emmanuel Macron pense à réguler les « flux migratoires irréguliers », coupant l’herbe sous le pied de Marine Le Pen, et Jean-Yves Le Drian espère « un gouvernement inclusif » pour montrer que les talibans ont changé. Spoiler alerte : si la communication des talibans a peut-être changé, montrant ces grands gamins la Kalachnikov dans le dos, jouant aux auto-tamponeuses ou rigolant sur un manège, les talibans n’ont pas changé. C’est toujours la même idéologie putride et réactionnaire, obscurantiste et patriarcale qui les anime.

Courage à la population afghane dans cette dure épreuve, et particulièrement aux femmes afghanes qui se voient à nouveau réclamer une soumission totale après avoir entrevu un semblant de liberté. Un rassemblement de soutien sera organisé vendredi 20 août devant la préfecture de Nantes, à 18h, à l’appel de l’union syndicale Solidaires.

Soyons nombreuses et nombreux !


Un thread pour aller (beaucoup) plus loin dans l’explication de ce bourbier international qu’est devenu l’Afghanistan et sur la responsabilité occidentale de ce drame humain :